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Naître ou ne pas être
Cette année, sur les 1570 spectacles inscrits au catalogue du OFF du Festival d’Avignon, 1035 sont des créations ! Devons-nous nous réjouir de ce « retour à la normale » ? Traduit-il réellement le dynamisme du Spectacle Vivant ? Combien des 923 créations de l’édition 2021 ont pu être diffusées ou le seront la saison prochaine ? Cette politique de l’offre que plus rien ne semble pouvoir réguler n’est-elle pas le talon d’Achille de la politique publique de démocratisation culturelle ? Quelle responsabilité avons-nous en tant qu’artistes et quelles sont réellement nos marges de manœuvres ?
En tant que metteuse et metteur en scène, nous sommes très majoritairement porteurs de projets. Et ces projets que nous portons bien souvent à bout de bras, font l’objet d’une très forte « mortalité infantile ». La vie de nos spectacles ressemble trop sauvent à la petite enfance des siècles passés, marquée par le sceau du tragique : il naît beaucoup d’enfants, il en meurt à foison.
Si cette nécessaire redéfinition de « l’équilibre entre création et diffusion » n’est pas nouvelle (elle figure encore une fois au cœur des conclusions du dernier rapport de la Cour des Comptes de mai 2022), les enjeux de ce rééquilibrage sont potentiellement très lourds pour les artistes de notre profession car nous ne sommes salariés qu’en période de répétitions. En s’appuyant sur l’exemple de la convention collective du Théâtre privé, ce sont 120h de répétitions qui sont prévues dans les minima pour la création d’un spectacle ! Sur cette base, il faut qu’un metteur ou une metteuse en scène mette en scène 4,225 spectacles par an pour pouvoir accéder à l’intermittence (120 h x 4,225 = 507 heures) !
Alors même que nous souhaiterions toutes et tous prendre le temps de voir grandir nos « enfants » et de les accompagner dans leur développement, nous participons à cette surproduction, « imputable pour l’essentiel à des systèmes d’aide publique historiquement centrés sur le renouvellement de la création » (cf. rapport Cour des Comptes). D’autre part, cette nécessaire régulation que nous appelons de nos vœux ne tient pas suffisamment compte des spécificités propres à nos métiers de créatrices et de créateurs.
Il serait peut-être enfin temps d’ouvrir les yeux sur l’ensemble des fonctions qui relève du travail souvent titanesque de la metteuse ou du metteur en scène pour donner naissance à une œuvre scénique. Parmi les différentes étapes de travail nécessaires à la création d’une mise en scène, comme nous venons de le dire, seules les répétions font l’objet d’une rémunération salariale (et la perception de droits d’auteur lors de la diffusion quand cette perception est respectée) et trop souvent l’intermittence invisibilise ces différents temps de travail.
Pour que cette évolution se fasse dans de bonnes conditions, il faut remettre les créatrices et créateurs au centre du paradigme, penser la création et la vie des œuvres en rémunérant systématiquement celles et ceux qui en sont à l’origine à chacune de ces étapes. C’est à quoi s’attelle le Syndicat National des Metteurs en Scène.
Je vous souhaite à toutes et à tous un bel été et à celles et ceux qui y participent, un très beau et heureux festival d’Avignon !
Naître ou ne pas être
Cette année, sur les 1570 spectacles inscrits au catalogue du OFF du Festival d’Avignon, 1035 sont des créations ! Devons-nous nous réjouir de ce « retour à la normale » ? Traduit-il réellement le dynamisme du Spectacle Vivant ? Combien des 923 créations de l’édition 2021 ont pu être diffusées ou le seront la saison prochaine ? Cette politique de l’offre que plus rien ne semble pouvoir réguler n’est-elle pas le talon d’Achille de la politique publique de démocratisation culturelle ? Quelle responsabilité avons-nous en tant qu’artistes et quelles sont réellement nos marges de manœuvres ?
En tant que metteuse et metteur en scène, nous sommes très majoritairement porteurs de projets. Et ces projets que nous portons bien souvent à bout de bras, font l’objet d’une très forte « mortalité infantile ». La vie de nos spectacles ressemble trop sauvent à la petite enfance des siècles passés, marquée par le sceau du tragique : il naît beaucoup d’enfants, il en meurt à foison.
Si cette nécessaire redéfinition de « l’équilibre entre création et diffusion » n’est pas nouvelle (elle figure encore une fois au cœur des conclusions du dernier rapport de la Cour des Comptes de mai 2022), les enjeux de ce rééquilibrage sont potentiellement très lourds pour les artistes de notre profession car nous ne sommes salariés qu’en période de répétitions. En s’appuyant sur l’exemple de la convention collective du Théâtre privé, ce sont 120h de répétitions qui sont prévues dans les minima pour la création d’un spectacle ! Sur cette base, il faut qu’un metteur ou une metteuse en scène mette en scène 4,225 spectacles par an pour pouvoir accéder à l’intermittence (120 h x 4,225 = 507 heures) !
Alors même que nous souhaiterions toutes et tous prendre le temps de voir grandir nos « enfants » et de les accompagner dans leur développement, nous participons à cette surproduction, « imputable pour l’essentiel à des systèmes d’aide publique historiquement centrés sur le renouvellement de la création » (cf. rapport Cour des Comptes). D’autre part, cette nécessaire régulation que nous appelons de nos vœux ne tient pas suffisamment compte des spécificités propres à nos métiers de créatrices et de créateurs.
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